Chez les Éditions de l’Isatis, on s’applique à produire des livres qui marquent, qui pointent une problématique, qui passent un message. Avec les deux albums dont je vous parle aujourd’hui, ils réussissent haut la main à déranger notre esprit et serrer notre coeur.
Pour la majorité des jeunes et pour plusieurs adultes aussi, la lecture d’albums devient insignifiante passé 7 ans. On pense album et tout de suite, on imagine les couleurs de l’arc-en-ciel, des petits bonshommes cutes et des baguettes magiques. Détrompez-vous. Ici, on plonge dans la réalité des enfants touchés par la guerre et les illustrations ne nous épargnent pas. Voici donc deux livres incontournables sur le thème de la guerre à posséder. Je précise d’ailleurs tout de suite qu’ils sont destinés à des enfants de 10 ans et plus. J’ajouterais que leur lecture doit être encadrée par un adulte afin d’être présent pour répondre aux questions des enfants. Donc, gardez ces deux albums dans votre biblio personnelle et sortez-les au bon moment, dans le cadre d’une activité dirigée. Ils sont si riches en contenu qu’il vaut la peine de prendre le temps de les exploiter.
Le journal de guerre d’Emilio
Lorsque j’anime mes ateliers littéraires, je lis toujours cet extrait du Journal de guerre d’Emilio. Chaque fois, le silence s’installe et chacun retient son souffle. Le texte d’André Jacob est puissant.
« Je m’appelle Emilio Ospina Rodriguez. J’ai quinze ans (…). À treize ans, j’ai été enlevé de mon village par un commando de l’Armée révolutionnaire de Colombie.
Je suis devenu un enfant soldat.
Les mots me manquent pour décrire toutes mes peurs et mes angoisses durant ces années de combat. Je relis quelques pages de mon journal personnel en le mouillant de mes larmes. Garder le silence sur les douleurs de mon coeur et de mon corps m’aurait rendu fou. »
Ensuite, je précise que c’est inspiré d’une histoire vraie. Étonnés, les jeunes s’arrachent ensuite le livre.
L’histoire commence le matin où un commando brise la tranquillité d’un matin d’école en enlevant une quinzaine d’enfants. On suit ensuite Emilio dans ses entrainements militaires, ses peurs et ses inquiétudes. Le texte est si bien documenté que je suis certaine que cette histoire ressemble énormément à la réalité des enfants soldats. Il est facile de faire le parallèle avec la vie de nos enfants, leur insouciance, leur sécurité. Se plonger dans la vie des enfants soldats, c’est se forcer à se comparer et à avoir envie d’agir. Emilio parle d’armes, de peur, de mort avec la candeur d’un enfant tout en nous permettant de constater les changements de son comportement, la perte de sa naïveté et les effets d’un lavage de cerveau puissant. Face à cette situation, j’aurais envie de questionner mes élèves par rapport à l’utilisation de leurs jeux vidéo, qui leur permettent virtuellement de tuer des gens et d’accomplir de nombreux actes de violence. En quoi la violence peut-elle être amusante? Ne devrait-on pas travailler ensemble à l’éliminer?
Les illustrations sont parfois difficiles à regarder et le fait de voir de vraies photos d’enfants rend le récit encore plus touchant. Si vous avez envie d’explorer le genre du journal intime, je crois que ce livre pourrait faire un beau contraste avec les autres livres sous cette forme, où « l’auteur » dévoile habituellement ses états d’âme amoureux ou les frustrations liées à ses parents. Une belle façon de démontrer que notre réalité est parfois bien loin de celle de l’autre et qu’il faut tendre à s’entraider et se supporter.
La maison d’édition ne nous laisse pas seuls pour animer ce livre. Les dernières pages de l’album offrent une bibliographie de livres à lire si on veut approfondir le sujet, des sites internet à consulter et même, quelques actions à mettre en branle si on a envie de réagir et de changer les choses. De plus, on nous offre, via le site internet de la maison, des fiches d’activités très riches et complètes (voir numéro 36).
Le journal de guerre d’Emilio
André Jacob & Christine Delezenne
Éditions : de l’Isatis
ISBN : 9782923234878
10 ans et plus
Une petite bouteille jaune
Des illustrations floues, parfois bigarrées et percutantes de Christine Delezenne (qui illustre aussi le titre précédent !) nous tracent cette fois le destin de deux enfants qui n’avaient pourtant rien à voir avec la guerre. Ce sont deux jeunes comme nos petits Québécois, qui rient, s’amusent avec un ballon dans les champs. Pourtant, la guerre gronde pas très loin et un jour, elle fonce cruellement sur eux grâce à de petites bouteilles jaunes destinées à exploser lorsqu’on les bouge, qu’un avion a disséminées dans toute la campagne. Ahmad, futur grand joueur de soccer y perdra une main et une jambe en en manipulant une naïvement.
Encore une fois, on ne peut qu’être choqué par ces atrocités vécues par des enfants, victimes d’une guerre d’adultes, dévoilées par Angèle Delaunois. C’est révoltant de constater qu’un avion survole une zone extérieure au champ de bataille pour aller toucher l’essence d’une population : ses enfants. D’ailleurs, la fin de l’album présente aussi des photos d’enfants handicapés, pour démontrer que cette situation est bien réelle. Difficile de garder les yeux fermés après avoir été en contact avec une vérité aussi criante.
Ce récit poignant est aussi une belle leçon d’espoir et de résilience. Le petit Ahmad puisera bien sûr son courage en lui, mais le support de ses camarades et d’une autre victime nous démontrera que la vie est forte. Encore une fois, un matériel riche est offert sur le site de la maison d’édition (voir numéro 24). Les deux albums peuvent bien s’utiliser dans les cours d’éthique et s’intègrent parfaitement dans la progression des apprentissages, lorsqu’on demande de se questionner sur les exigences de la vie en société (voir point F, #1 à 4). On peut aussi compléter avec une leçon de géographie pour situer les deux histoires.
Une petite bouteille jaune
Angèle Delaunois & Christine Delezenne
Éditions : de l’Isatis
ISBN : 9782923234670
10 ans et plus
Je crois que ces deux titres méritent qu’on prenne le temps de les approfondir et de s’en imprégner, si ce n’est que pour prouver à nos enfants qu’ils sont chanceux de vivre heureux, insouciants et en sécurité. Ensuite, j’espère que ces deux lectures contribueront à en faire des citoyens sensibilisés à ces situations et qu’ils participeront au changement.
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