Je suis Henri Pinson, l’album d’Alexis Deacon et Viviane Schwarz, affiche tout de suite ses couleurs : il se veut résolument être un album d’initiation à la réflexion philosophique, une ode au cogito de Descartes : « Je pense, donc je suis. ». Mais la question qui se pose alors est celle-ci : « Saura-t-il charmer les petits et les grands enfants? ».

Je suis Henri Pinson 

Je pense donc … « Je suis Henri Pinson »Un pinson guilleret vit en collégialité avec ses compagnons et ses compagnes. Le tintamarre des journées qui s’alignent les unes aux autres n’est interrompu que par l’irruption ponctuelle de « La bête ». Telle une menace lourde qui plane, elle terrifie immanquablement la joyeuse bande d’oiseaux.

Un jour pourtant, Henri Pinson se réveille dans la nuit sombre. Dans le calme et le silence, il prend alors conscience de ses pensées, et ainsi, de son existence en tant qu’être singulier. Il décide, par le fait même, de réagir face à l’inacceptable : le règne de terreur de « La bête ». S’ensuivent alors des péripéties des plus rocambolesques avec lesquelles l’auteur s’attache à démontrer le « pouvoir de la pensée ». Je suis Henri Pinson se veut être une fable sur le courage d’être soi-même, mais aussi sur les conditions nécessaires pour vivre avec ses semblables.

Ce que j’en pense ! 

Dès la page couverture, j’ai été complètement charmée et conquise par la créativité et l’ingéniosité de l’illustratrice Viviane Schwarz. Regardez la page couverture de plus près. Vous avez bien vu, Henri, le pinson, est en fait une empreinte digitale. Quelle idée originale qui sert avec justesse le propos de l’ouvrage, n’est-ce pas !? L’empreinte digitale constitue sans aucun doute l’un des symboles les plus forts de l’unicité de chacun. Les illustrations de Schwarz – simples, charmantes, intelligentes – valent, à elles seules, les quelques dollars investis pour se procurer cet album.

Je pense donc … « Je suis Henri Pinson »Naïfs, joyeux et attendrissants, les pinsons rouges vifs représentent tous des empreintes digitales distinctes; celles des ami.e.s de l’illustratrice recueillies tout au long de la réalisation de cet album. Elle tenait à ce que chaque oiseau soit pareil, mais unique à la fois. C’est le genre de détails qu’elle dévoile au sujet de son processus de création dans son blogue. C’est aussi le genre de détails qui contribuent incontestablement à enrichir la perspective des enfants au sujet de la création et du monde littéraire. Saviez-vous que la bête a été pensée et conçue à partir du tracé d’une partie interne de l’oreille? Comme quoi tout peut initier de grandes et de petites créations ! Les différents éléments picturaux contribuent à créer, en somme, une composition harmonieuse et dynamique, qui saura inspirer vos artistes en herbe, en plus de mettre en valeur le texte d’Alexis Deacon (Je vous propose quelques pistes d’enrichissement en arts un peu plus bas.).

Je pense donc … « Je suis Henri Pinson »En effet, le texte et les illustrations forment ici un duo fort réjouissant. Le texte de Deacon constitue un excellent moyen de traiter de sujets philosophiques et abstraits avec les plus jeunes enfants d’une façon toute simple, voire rigolote. Le texte, somme toute assez court, peut facilement être lu à voix haute, et peut être exploité avec de petits ou de grands enfants, tout dépend de l’angle selon lequel il est abordé. Certains passages pourront surprendre. Différentes questions ont d’ailleurs traversé mon esprit lors de ma première lecture : d’où vient ce désir de jouer les héros ? Henry, en encourageant les membres de sa tribu à penser par eux-mêmes et à quitter leur nid collectif, n’encourage-t-il pas, par le fait même, l’individualisme et le repli sur soi? N’est-ce pas la promotion de l’ « hyperrationalisme »? Voilà certes d’intéressants sujets de réflexion à creuser avec les enfants.

L’album réussit, à mon avis, à articuler avec brio la nécessité de développer une confiance en soi à la joie de vivre ensemble de façon démocratique et authentique. L’égalité démocratique entraîne une certaine vulnérabilité qui peut être angoissante. Devant cette angoisse, certains seront tentés de s’en remettre à l’autorité ou encore de céder à la pression des pairs. Il est donc nécessaire de promouvoir énergiquement la pensée critique, mais également la capacité et le courage requis pour élever une voix différente, et parfois même dissidente. En effet, avoir confiance en soi, en ses expériences et en son « savoir ordinaire » constitue une prémisse essentielle à la réflexion et à l’analyse raisonnée. Il s’agit, dès lors, de l’essence même de la démocratie.

Je pense donc … « Je suis Henri Pinson »Se dégourdir les neurones !

Parce que cet album soulève de nombreuses questions philosophiques, je vous invite, après en avoir fait la lecture, à demander à votre enfant (ou à vos élèves) d’identifier les questionnements que la lecture aura suscités. Comme ça donne parfois le vertige de commencer à partir de rien, voici quelques pistes pour guider votre discussion.

  Peut-on changer le monde en pensant?
  Quels sont les « bruits » (dans son sens métaphorique) dans notre quotidien qui peuvent nous empêcher de penser?
  Comment peut-on se débarrasser de nos « pensées noires »?
  La différence est-elle un obstacle à la vie de groupe, à l’amitié?
  Comment peut-on vivre avec les autres tout en exprimant et respectant sa singularité?

Rêver, imaginer, créer…

Voici, en terminant, quelques idées pour créer une oeuvre « à la manière de Viviane Schwarz ».

Je pense donc … « Je suis Henri Pinson »   Demandez à votre enfant d’imprimer avec de l’encre l’une de ses empreintes digitales. Vous pourriez la prendre en photo et l’agrandir par la suite pour que celui-ci puisse créer son pinson personnalisé en grand format.

  Vous pourriez décider plutôt de créer plusieurs petits pinsons exprimant une large gamme d’émotions (notions très pertinentes pour les enfants en bas âge). À ce titre, les illustrations de Schwarz seront fort utiles. Avec quelques coups de crayon, elle a, en effet, réussi à insuffler vie et émotions à ces petits oiseaux.

  Viviane Schwarz propose également dans cet article du Guardian des scénarios amusants pour vos petits pinsons « maison ».

  Vous pourriez aussi décider de vous intéresser à la « bête ».  Recherchez alors des images de l’anatomie humaine et amusez-vous avec les p’tits à en reproduire le tracé pour créer des bêtes plus monstrueuses les unes que les autres avec de l’aquarelle.

Je suis Henri Pinson
Alexis Deacon & Viviane Schwarz
Éditions : l’école des loisirs (collection Pastel), 2015
ISBN : 9782211223775
~ 5 à 7 ans.

Pour acheter cet album qui saura sans aucun doute susciter la réflexion et inspirer vos petits et vos grands philosophes, cliquez ici  :

Last modified: 12 janvier 2016

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