On pourrait croire qu’écrire pour la jeunesse est un beau passe-temps. Or, un passe-temps est, par définition, une activité agréable que l’on pratique dans nos temps libres pour se changer les idées, et non pas une activité qui nous occupe l’esprit jour et nuit. En vérité, la plupart des auteurs sont littéralement obsédés par leurs histoires ! Ils y pensent en mangeant, en dormant, en travaillant (bien évidemment) et parfois même en vous parlant. Ils savent que l’inspiration n’est nulle part et partout à la fois. Qu’elle jaillit souvent au moment où l’on s’y attend le moins. Alors ils restent à l’affût. En tout temps.

Pour cette raison (et plus encore), si le travailleur autonome peine à effectuer une coupure entre sa vie familiale et professionnelle, pour l’auteur, c’est presque mission impossible. Car, comme tout être passionné, la gestion du temps ne constitue pas sa principale force ni priorité. Il s’investit dans son travail sans compter.

Bénévolat déguisé

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les auteurs ne sont pas rémunérés pour leur présence dans les salons du livre. En fait, les plus chanceux d’entre nous (ou disons-le, les plus populaires) se font rembourser les frais d’hébergement, de repas et de transport par leur (s) maison (s) d’édition, mais les auteurs dont les parutions sont moins récentes, qui vendent moins ou qui publient chez de petits éditeurs ayant peu de moyens sont contraints de s’autofinancer en échange d’un peu de visibilité. Payer pour avoir le loisir de rencontrer les lecteurs, dédicacer quelques livres et laisser sa griffe sur une poignée de signets personnalisés, puis revoir les collègues auteurs autour d’une bière, le soir.

C’est déprimant de penser qu’on paie parfois pour travailler, mais soyons francs : on est prêts à donner cher pour enfiler des vêtements décents, sortir de chez nous, recueillir les commentaires de lecteurs et se réunir entre amis. Difficile de s’en passer tellement c’est grisant !

Qu’on soit dans les salons, dans les écoles ou à la maison, on est sollicités de tous bords, tous côtés. Par les aspirants-auteurs qui nous demandent conseil parce qu’ils ne savent pas trop par où commencer. Par ceux qui nous demandent de lire leur manuscrit ou d’écrire leur biographie. Par les enseignants qui nous invitent dans leur classe à rabais, à défaut d’avoir assez de budget. Par les organisateurs d’événements qui nous invitent à nos frais au nom de la Sainte-Visibilité (elle a le dos large, celle-là). Par les jeunes lecteurs qui nous écrivent sur Facebook pour nous dire qu’ils ont aimé nos livres, qu’ils les ont choisis pour un résumé de lecture ou un exposé oral. On trouve ça génial ! Jusqu’à ce qu’on tombe sur un(e) jeune effronté(e) qui nous demande une description physique et psychologique de chaque personnage, un résumé de tous les chapitres avec, si possible, le schéma narratif du roman présent et des précédents… Oui, ça arrive. J’exagère un brin, mais à peine. Certains sont si créatifs qu’on se demande pourquoi ils n’emploient pas leur intelligence à faire leurs devoirs plutôt d’écrire à l’auteur pour le convaincre de les faire à leur place. M’enfin. Excluant les effrontés, on aime bien se dévouer pour nos lecteurs, dans les limites du bon sens.

Parlant de dévouement, si on garde la forme et le moral, c’est qu’on excelle dans l’art de courir après notre argent (le gym étant nettement surévalué… et au-dessus de nos moyens). Mais les plus optimistes d’entre nous se permettent toutefois de rêver d’un peu plus de stabilité financière.

Bourses et subventions : la ruée vers l’or

Métier, auteur jeunesse : un jeu d'enfants?Telles les aurores boréales, les bourses existent, mais on n’a pas souvent la chance d’en voir… Quant aux subventions, c’est la ruée vers l’or : se creuser les méninges à n’en plus finir pour trouver le bon ton, le bon filon. Je ne sais pas d’où vient l’idée que les auteurs (et les artistes en général) vivent aux crochets de la société, mais je n’ai jamais « quêté » de subventions en mon nom, et ceux de ma connaissance qui l’ont fait ont pour la plupart frappé un mur (ou un roc). En revanche, grâce à l’organisme LOJIQ (Les Offices jeunesse internationaux du Québec), j’ai eu droit à une jolie bourse couvrant pratiquement tous mes frais de déplacement et d’hébergement afin d’assister à la Foire du livre de Guadalajara au Mexique à titre d’auteur jeunesse et de conférencière. Je n’ai presque rien eu à débourser pour vivre cette expérience hors du commun. Mais, durant mes tentatives précédentes et ultérieures, j’ai dû me rendre à l’évidence qu’il faut d’abord maîtriser le dialecte fonctionnaire avant de s’improviser chercheur de trésor !

Le mot de la fin

Métier, auteur jeunesse : un jeu d'enfants?J’ai publié six romans, collaboré à deux collectifs et signé la préface d’un guide sur l’estime de soi (écrit par la p’tite maudite Stéphanie Deslauriers). Ma série Planches d’enfer (Tome 1, T.2, T.3 et T.4) s’est écoulée à plus d’exemplaires qu’il en faut pour crier « best-sellers ». Pourtant, comme plusieurs de mes amis auteurs qui ont fait le choix de se consacrer à plein temps à l’écriture, je ne vis pas encore de ma plume. J’en survis. Mais chaque fois que je me remets en question et que je reçois le message de jeunes lecteurs me disant qu’ils se sont identifiés à mes personnages et à leur réalité, ou encore de leurs parents me remerciant d’avoir réussi à faire lire leur enfant, j’en viens à la même conclusion : j’aime trop ce que je fais pour abandonner… ou j’ai trop la tête dure, c’est selon !

Comme dirait Walt Disney :

« Pour réaliser une chose vraiment extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez d’un trait jusqu’au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. »

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Last modified: 26 juin 2015

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