Je crois que nous nous construisons en partie à partir des modèles autour de nous. Ainsi, les adultes que nous sommes devenus sont le résultat d’une multitude d’exemples choisis et/ou observés au fil du temps, parmi les gens qui nous entourent, dans les médias, mais aussi, vous vous en doutez bien, dans les histoires que l’on nous a lues dès l’enfance.
Personnellement j’ai grandi, comme plusieurs, bercée par les princesses de contes de fées adaptés par Disney et les livres de Martine… et même si je ne vis aujourd’hui ni avec un prince, ni dans un château, je dois dire que ces livres m’ont influencée beaucoup. Certains héros m’ont montré la persévérance, d’autres à ne pas me fier aux apparences. Plusieurs histoires m’ont fait rêver ou encore touchée…
Bon… Le but de mon billet aujourd’hui n’est pas de faire une critique nostalgique de ces livres ni leur apologie ! Non, je souhaite plutôt vous parler de diversité de modèles, qu’ils soient féminins ou masculins en littérature jeunesse ! En effet, l’amatrice de princesses que je suis a maintenant grandi, s’est posé de nombreuses questions et travaille aujourd’hui à mi-temps pour un organisme à orientation féministe : Le Y des femmes de Montréal qui s’intéresse entre autres à la question du sexisme représenté de multiples façons par les médias, notamment à travers la publicité.
Une de nos tâches, à mes collègues et à moi, consiste justement à aller rencontrer des jeunes, filles et garçons, dans des écoles afin de discuter de leurs perceptions sur le sujet. À chaque atelier, nous essayons de déconstruire leur compréhension des images médiatiques en analysant en détail des exemples choisis. Nous validons avec eux qu’il est correct de ne pas se reconnaître dans les modèles communément admis, qu’il est important de rester soi-même, que chacun est unique. Et permettez-moi ce simple constat : non il n’est pas simple de grandir quand les modèles que l’on nous présente (standards culturels, de beauté, de performance, socio-économique, etc.) se ressemblent le plus souvent beaucoup. En effet, je crois que dans un contexte où les médias donnent très souvent des messages réducteurs de comment sont les filles et les garçons, il est primordial de fournir aussi des exemples qui reflètent la diversité de la vie, ainsi qu’une ouverture aux différences.
Si beaucoup de livres pour enfants se contentent de ne pas afficher de tels stéréotypes, plus rares sont ceux qui s’amusent à les défier ouvertement et à questionner les idées conventionnellement acceptées. Je vous présente donc deux excellents exemples à utiliser idéalement ensemble avec vos élèves ou vos enfants, ainsi que quelques pistes pour approfondir leur compréhension et afin d’aborder le thème des stéréotypes sexistes !
Boris Brindamour et la robe orange
Boris est un petit bonhomme qui possède beaucoup d’imagination. Si ses journées à l’école se composent de peinture, de casse-tête, de jus de pommes et de comptines qu’il s’amuse à chanter très fort, il aime par-dessus tout se déguiser ! Son déguisement préféré c’est une robe orange, sa couleur préférée, car elle lui rappelle « les tigres, le soleil et les cheveux de sa maman ». Jusqu’ici tout va bien, mais bientôt fusent les préjugés et les moqueries de la part des autres enfants lorsqu’ils le voient la porter : « Un garçon, ça ne porte pas de robe ! » Alors Boris a le cœur gros et il n’a plus envie d’aller à l’école.
Cet album est un petit bijou au récit finement exposé et aux illustrations chatoyantes. Ici, pas de texte inutile ou de morale, nulle étiquette ou allusion à l’identité de genre, que le récit d’un petit garçon qui aime vraiment beaucoup une robe orange, une robe subtilement illustrée dans le livre par des contours flous comme si on souhaitait davantage révéler l’aspect imaginaire du vêtement pour Boris que sa signification culturelle habituelle. La fin de l’histoire où Boris embarque ses camarades dans une de ses aventures imaginaires démontre à quel point les enfants peuvent faire preuve d’ouverture lorsqu’ils font abstraction des normes dictées par les adultes et lorsque la curiosité et le désir de jouer ensemble prennent le dessus sur tout le reste !
** GRANDE NOUVELLE ** : Boris Brindamour et la robe orange est finaliste pour le Prix jeunesse des libraires du Québec pour 2016 dans la catégorie 0-5 ans Québec ! Bravo !
Boris Brindamour et la robe orange
Christine Baldacchino & Isabelle Malenfant
Éditions : Bayard Canada, 2015
ISBN : 9782895796879
J’aime PAS la danse
Soyons clairs, l’héroïne de cette histoire n’aime PAS la danse et c’est entre autres parce qu’elle doit porter un tutu et « que ça gratte et c’est rose ». (contrairement à sa mère, elle, qui en raffole). S’en suit une péripétie d’un spectacle de ballet qui tourne à la catastrophe racontée par une petite fille qui n’a visiblement pas froid aux yeux et qui est capable d’affirmer aux autres ce qu’elle pense.
Par des illustrations très bédéesques, ce livre aborde avec humour le fait de se sentir prise dans un moule qui ne nous ressemble pas. J’aime PAS la danse déboulonne habilement le mythe que « toute les filles aiment la danse parce que c’est joli ! » à travers les yeux d’un personnage espiègle qui a du caractère.
*** Vous trouverez au bas de la page une autre version des mêmes auteurs qui s’appelle « J’aime PAS le foot » qui s’adresse aux garçons qui n’aiment pas jouer au soccer.
J’aime PAS la danse
Stéphanie Richard & Gwenaëlle Doumont
Éditions : Talents Hauts
ISBN : 9782362661259
Quelques pistes pour approfondir la lecture de ces deux livres anti-stéréotypes :
◆ Dans Boris Brindamour et la robe orange, pourquoi selon vous Boris aime porter une robe? Quels sont ses intérêts?
◆ Pourquoi les autres se moquent de lui? Êtes-vous d’accord avec eux?
◆ Comment se sent-il?
◆ Est-ce que toutes les filles portent des robes?
◆ Est-ce que les garçons peuvent porter des robes aussi? (Vous pouvez aussi fournir des exemples de costumes traditionnels de certains pays ou périodes historiques comme preuves à l’appui.)
◆ Dans J’aime PAS la danse, pourquoi l’héroïne de l’histoire n’aime pas la danse?
◆ Pourquoi continue-t-elle d’en faire?
◆ Est-ce que toutes les filles aiment la danse?
◆ Est-ce que des garçons peuvent aimer la danse?
◆ Comment se sent-on quand on est obligé de faire quelque chose qui ne nous ressemble pas?
Quelques trucs pour aborder la question des stéréotypes sexistes :
Ces deux histoires, en les présentant à tour de rôle, vous offrent une occasion en or d’aborder avec vos jeunes le thème des stéréotypes sexistes. Voici quelques pistes pour y parvenir.
◆ Expliquez-leur que parfois on entend des idées à propos des garçons et des filles qui ne sont pas toujours vraies, car personne n’est pareil, que ceci porte un nom : stéréotypes.
◆ Demandez-leur de vous fournir des exemples qu’ils ont déjà entendus? Par exemple : les filles aiment le rose et les garçons le bleu, les filles jouent avec des poupées, etc.
◆ Confrontez ces idées : est-ce vrai pour tout le monde? Connaissez-vous des exceptions?
◆ Amenez-les à réfléchir sur les origines de ces pensées. D’où nous viennent-elles?
◆ Invitez-les à repérer des stéréotypes sexistes lorsque vous leur lirez ultérieurement des histoires.
◆ Et pourquoi pas, demandez-leur d’inventer une histoire qui défie les stéréotypes sexistes !
Bonne lecture !
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