Louis Émond, l’auteur de l’album Le monde de Théo, confie avoir été inspiré par le roman La route de Cormac Mccarthy lors de la rédaction de son histoire. Pour ma part, j’ai tout de suite pensé au film Into the wild basé sur l’histoire vraie de Christopher McCandless.
Dans le film, Christopher est convaincu que la société est corrompue. Il décide alors de s’isoler au plus profond de l’Alaska pour communier avec la nature. Avant de mourir empoisonné et transi de froid, il écrit : « Hapiness only real when shared. ». Sa quête révèle, finalement, l’essentiel ; le bonheur, c’est parfois de vivre ensemble tout simplement.
Ici, la situation est inversée.
L’histoire commence avec Théo au coeur d’un paysage désolé. Autour de lui, se trouvent « de vastes étendues d’absence, d’immenses aires de pas grand-chose, des kilomètres de pas beaucoup et d’encore moins, des plaines de vide et des vallées de rien. ».
Théo est le survivant d’une catastrophe dont l’auteur tait le nom dans le récit. Il trouve néanmoins le moyen de poursuivre son petit bonhomme de chemin. Il s’occupe tranquillement de son potager et bricole dans sa maison.
Mais, un jour, la solitude pèse à Théo.
Tout seul dans sa maison, tout seul dans son potager, tout seul sur sa montagne plate, Théo voudrait bien pouvoir partager tout cela avec un.e ami.e. Mais que peut-il faire? Son isolement semble être une fatalité d’autant plus que tout semble si dangereux autour de lui. Et si, au-dehors, le sol était fait « de cendres brûlantes […] de lave en fusion [ou encore] de débris durs et coupants »?
Pourtant, l’espoir de rencontrer une autre âme qui vive lui permet de dépasser la peur. Théo trouve alors le courage nécessaire pour quitter son petit nid douillet. Récupérant une « baignoire à pattes, une trompette cabossée, le fond des tiroirs de sa commode, un panier, un ventilateur, un vieux moteur, un grand parapluie et quantité d’autres trucs, bidules et objets », il se met à la tâche et entreprend la construction d’un curieux machin permettant de voler.
Théo s’engage alors dans un grand voyage. Bondissant de joie, il découvre enfin une autre maison. Il y laisse un message étant donné que la personne qui y habite n’y est pas pour l’instant. Cependant, lorsqu’il revient chez lui, le doute l’assaille. Sur la porte se trouve un mot, le même qu’il a lui-même écrit (ou presque), sur sa porte. Théo, épuisé par le voyage a-t-il laissé une note sur sa propre porte de maison dans la confusion de l’obscurité?
La fin de l’histoire est lumineuse et transpire l’espoir. Ce que j’aime aussi, c’est qu’elle laisse une grande place à l’imagination des p’tits. Théo n’a pas encore rencontré une autre personne avec qui il peut échanger. Pourtant, il est heureux, il sourit, ses yeux brillent. Mais pourquoi donc?
C’est par la voie du conte que Louis Émond nous plonge dans une réflexion sur la solitude et le besoin de l’autre. Il soulève, dans ce récit étoilé de poésie, l’importante question de la rencontre et du partage, mais aussi celle du courage et de l’espoir. L’histoire évoque cette lueur d’espoir qui nous habite même dans l’obscurité et qui donne force et courage pour affronter l’adversité, l’inconnu et la peur.
Les illustrations bleutées de Phillipe Béha nous entraînent doucement dans l’univers onirique de l’album. Cet attachant petit bonhomme avec son curieux machin volant qui parcourt des paysages imaginaires vous charmera, je vous le garantis. Ce n’est pas sans raison que cet album a gagné de nombreux prix littéraires. Je salue, finalement, l’audace des éditeurs qui ont opté pour une forme atypique pour cet album, légèrement allongée.
Dégourdissons-nous les neurones : la solitude et le besoin des autres?
Si des albums comme Je suis Henri Pinson (j’en ai déjà parlé ICI !) traitent du besoin de solitude pour exprimer sa singularité et s’adonner aux plaisirs de la pensée, Le monde de Théo soulève la question du besoin de l’être humain d’entrer en relation avec autrui.
Voilà donc un album idéal pour discuter avec les enfants sur ces sujets. Dégourdissons-nous les neurones, avec les p’tits, en réfléchissant à ces « grandes » questions :
◆ Lorsqu’on dit qu’on est seul au monde, qu’est-ce que ça veut dire?
◆ Pourquoi, selon toi, Théo cherche-t-il à rencontrer un.e autre survivant.e?
◆ Comment Théo trouve-t-il le courage de s’aventurer dans l’inconnu?
◆ Bien que Théo s’ennuie seul, penses-tu que la solitude peut aussi, dans certains moments, nous rendre heureux? Pourquoi?
◆ Penses-tu que les êtres humains peuvent vivre seuls pour toujours? Pourquoi?
Rêver, créer, imaginer à partir de l’album Le monde de Théo…
Dès ma première lecture, la poésie du texte m’a happée. Je vous suggère ainsi de prendre le temps de relire certains passages de l’album. Cet exercice, qui stimulera assurément l’imaginaire des p’tits, vous permettra également d’appréhender autrement la lecture avec eux. Ralentir la cadence permet de mieux apprécier l’expérience de la lecture et de l’entrevoir comme un moment qui se déguste. L’écriture de Louis Émond se prête justement bien à cet exercice en raison de son pouvoir d’évocation.
Voici quelques extraits qu’il fait bon de savourer…
Extrait 1
« Théo eut une idée. Une idée pleine de promesses. Audacieuse, lumineuse, splendide : il allait partir. »
Extrait 2
« […] de vastes étendues d’absence, d’immenses aires de pas grand-chose, des kilomètres de pas beaucoup et d’encore moins, des plaines de vide et des vallées de rien. »
Extrait 3
« […] quelque chose lui revenait sans cesse à l’esprit. L’étincelle d’une pensée. Le bruissement d’une réflexion. L’ombre d’un détail. »
Le monde de Théo
Louis Émond & Philippe Béha
Éditions : Hurtubise, 2011
ISBN : 9782896474394
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