J’avais envie de partager une histoire d’étoiles déroutées, égarées le conte Les coiffeurs des étoiles de Jeanne Macaigne.
« Petits êtres chevelus vous qui venez à la Lune ouvrez bien grand vos oreilles pour une histoire sans pareille »
Les coiffeurs des étoiles
Timbale, Romarin et Jacinthe vivent avec leurs parents sur une île peuplée d’êtres silencieux, doux et mélancoliques « ils ne parlaient jamais. Nous ne savions pas vraiment qui ils étaient ni d’où ils venaient mais ils étaient nos amis et nous on les aimait ». L’île est encerclée par une mer infranchissable : « Le jour, ils restaient chez eux calfeutrés, loin de la Mer qui brillait et les terrifiait ». Par prudence, le village lui tourne le dos et les habitants ne sortent qu’à la nuit tombée. Cependant, certaines nuits, ils se laissent surprendre par la tempête qui les laisse bouleversés, cheveux et idées emmêlés. Nos trois héros et leurs parents « roi du Bigoudi » et « grande prêtresse de la tresse », coiffeurs de génération en génération, les recueillent alors dans leur salon où patiemment ils démêlent, dénouent et embellissent chevelures et âmes embrouillées.
L’histoire reprend alors son fil paisiblement jusqu’à la prochaine tourmente. Mais un jour, l’arbre ancestral rompt le cycle et révèle aux trois enfants les secrets qui changeront le cours de leur monde et de leurs existences : une histoire d’étoiles rêveuses tombées du ciel et de peurs infondées.
Au cours d’une quête initiatique qui les mènera jusqu’au fond de l’océan, les trois enfants comprendront la mélancolie des habitants de l’île, ces étoiles à jamais séparées de leurs sœurs, dévoileront le vrai visage de la mer et ouvriront un nouvel horizon pour tous.
Un conte intemporel et universel
Plus qu’une histoire, cet album est un conte intemporel où se mêlent explicite et implicite, un conte qui se dévoilera au fur et à mesure des lectures. On ne sait jamais quels livres les enfants emporteront dans leur bagage intérieur, mais je pressens que celui-ci pourrait en faire partie.
Et pour cause, ce conte au fil conducteur fort à propos : le cheveu, symbole des liens qui se rompent et qui se créent, est aussi tissé de mythes, de légendes d’ici et d’ailleurs, de craintes et d’espoirs universels « des temps anciens, des mondes nouveaux, des peuples de la Terre, de la Mer et du Ciel ». Mythes originels dans la prévalence des éléments, mythes grecs au travers de ces étoiles, qui telles Icare, ont voulu trop s’approcher de la Terre « elles désiraient tant la connaître ». Curiosité, soif d’inconnu « comme tout le monde, elles rêvaient aussi d’ailleurs ». Ce rêve qui peut être salutaire comme parfois conduire à sa perte ou à l’exil.
L’auteur n’apporte pas de jugement sur les raisons qui ont conduit ces habitants à cet exil subit et, contrairement à notre héros grec puni pour sa désobéissance, s’interroge plutôt sur la manière dont s’occuper de ceux qui sont là et las. Car les étoiles ne retrouvent pas leur plénitude dans cette île, malgré des coiffeurs aux petits soins, jusqu’aux pointes de leurs cheveux. Mais peut-être ne prennent-ils pas le problème à la racine? Il faudra justement que le vieil arbre se déracine et palabre pour donner la solution aux enfants.
Comme dans bien des légendes la sagesse s’allie alors à la jeunesse car l’avenir est évidemment dans les mains des enfants. Dans leur compréhension de la Nature et la fraîcheur de leurs regards capables renverser peurs infondées et craintes coutumières… Des peurs qui naissent de l’ignorance et qui nécessitent d’aller au-delà des apparences.
Un conte plein d’espoir, une histoire de liens qui se tissent à mesure que les cheveux se dénouent, et prouve que même lorsque l’exil est sans retour, il est possible de se recréer une famille sans perdre le fil de ses origines : « Ce que vous voyez aujourd’hui sur l’eau, ce sont des reflets précieux que la Mer et le Ciel vous offrent, pour vous souvenir d’où vous venez ».
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Jeanne, Paul, John, Ringo, Arcimboldo et MeMo
Mais laissons là en suspens le fil infini de cette histoire pour célébrer l’univers graphique éblouissant de Jeanne Macaigne : une immersion hors du temps et dans les éléments, rappelant les portraits phytomorphes (un nouveau mot dans ma besace !) du peintre Arcimboldo mais aussi les grandes époques du psychédélisme. Cela m’a remémoré « Yellow Submarine » des Beatles dont, enfant, j’avais vu le clip et le film bien des années après la sortie du tube, sans qu’ils me semblent démodés. Tel le merveilleux sous-marin jaune, Jeanne Macaigne nous offre une plongée dans des fonds marins hallucinants, une aventure ébouriffante avec une symphonie de détails, un univers lumineux et foisonnant. L’occasion de faire découvrir aux enfants une autre esthétique et les avantages du LSD sans les effets secondaires !
Voilà un livre dont il est bien difficile de tourner les pages, pourtant en papier bien épais, conçues pour toutes les petites mains. Il fallait que cette « aventure échevelée » soit vraiment bien ficelée pour céder à la tentation de passer à l’image suivante, tant elles sont belles, et connaître le dénouement de cette histoire qui sera peut-être plus évidente pour les enfants déjà lecteurs, mais dont l’incroyable richesse des illustrations sera certainement tout aussi évocatrice pour les plus petits. Car c’est là tout le talent de la maison d’édition MeMo que de concevoir ses livres avec tant d’application qu’ils sont aussi beaux que des originaux tout en étant accessibles.
Et pour ne pas se quitter comme cela
Jeanne Macaigne est aussi l’auteure d’un premier album paru en 2017 aux éditions MeMo : L’hiver d’Isabelle qui me semble tout aussi beau.
Je vous invite vraiment à suivre cette jeune artiste extrêmement talentueuse sur les réseaux ou sur son site où vous retrouvez les liens de ses différents comptes.
Les coiffeurs des étoiles
Jeanne Macaigne
Éditions : MeMo, 2018
ISBN : 9782352893882
Pour vous procurer l’album Les coiffeurs des étoiles, cliquez ici :
