Je ne sais pas pour vous, mais quand on reçoit un nouveau livre à la maison, c’est toujours un événement. Je ne saurais d’ailleurs dire qui de fiston ou du papa est le plus impatient. C’est un moment privilégié. On s’assoit bien confortablement et on apprivoise la couverture. Dans Ze vais te manzer, le titre est déjà très accrocheur. Il suffit de le prononcer pour sourire. Le zézaiement pique instantanément notre curiosité. Serait-ce le loup bleu, appuyé sagement contre un arbre, qui parle ainsi? Il a l’air un brin timide avec ses deux mains repliées sur son corps. Mais il faut rarement se fier aux apparences…

Ze vais te manzer

Ze vais te manzer !

En tournant la page, on découvre un décor boisé. Et au milieu d’une forêt, le loup bleu est assis sur un chemin, les bras croisés. En voilà une drôle de position ! Au passage, on note que son regard est un peu plus menaçant que celui de la couverture. Ses grands yeux ouverts semblent même nous regarder. Avec mon fils, on observe toujours les détails. Je lui pose souvent des questions du genre « Que fait-le personnage? » ou «  Qu’est-ce que tu vois sur l’image? » afin d’animer la lecture. Ici, mon fils Hugo est catégorique : le loup n’est pas content ! Et pour cause, comme le précise le texte : « il a faim… il a très faim… il a même très très faim… »

La répétition est un bon moyen d’interpeler l’enfant, car on insiste sur un point important. C’est d’ailleurs l’une des particularités de cet album. Les mots sont souvent répétés, ce qui en accentue la musicalité. L’auteur joue aussi sur les rimes et les sonorités pour notre plus grand plaisir auditif. Quant aux gros caractères et la typographie, ils offrent un confort de lecture.

Donc dans cette histoire, le loup a très très faim ! Et par chance, un petit lapin blanc gambade gaiement dans sa direction. Son allure est digne d’une scène bucolique : il sautille avec un petit panier autour du poignet. On pourrait presque entendre en trame de fond Pierre et le loup de Prokofiev. Ce petit lapin est, précisons-le : « tout poilu, tout dodu et tout joufflu ». C’est un détail primordial pour un loup affamé. L’auteur va-t-il l’offrir en pâture à cette bête féroce ? Pas du tout… Et c’est là que réside l’originalité du récit. Quand je prends ma voix de loup pour sauter sur l’adorable petit lapin blanc, mon fils Hugo éclate de rire. La scène est pourtant dramatique. Je m’apprête à dévorer un animal sans défense (enfin pas moi, le loup J).

Seulement voilà, son zézaiement fait toute la différence. Le loup a dû mal à prononcer certaines lettres : « Ze vais te manzer petit lapin blanc, Ze vais te manzer tout de zuite ! ». Avouons que niveau crédibilité, le pauvre prédateur en prend un sacré coup. Le lapin ne semble pas du tout effrayé (pas plus que mon fils). Bien au contraire, cela donne lieu à un curieux échange. Le lapin s’improvise même un peu docteur pour trouver l’origine du problème. Là encore, mon imitation du loup se veut convaincante. J’ouvre très grand la bouche comme dans l’histoire. Et qu’y trouve-t-on? Un cheveu, bien entendu ! Le loup a un cheveu sur la langue ! Mon fils trouve la scène très drôle, surtout quand je récite mon texte, la gueule ouverte. C’est tout un défi. Le pari est toutefois gagné, Mon garçon en redemande. Il comprend à sa façon toute l’absurdité de la scène et me surprendra dans son appréciation des autres séquences. Je ne vous en dirai pas plus sur l’intrigue, à part ceci : son côté loufoque s’accentue page après page.

Un loup pas si méchant qui zézaie = fou rire garanti !

Ze vais te manzerZe vais te manzer est un album sans prétention dont l’humour rejoint les enfants. À trois ans, mon fils a aimé autant le texte que les images. Les illustrations un peu naïves servent bien le récit. Les rimes et les jeux de mots sont parfaitement adaptés à l’oralité. La lecture s’en trouve enrichie, et le plaisir décuplé. En modulant notre voix sur les structures répétitives, le texte est encore plus vivant. J’ai fait d’ailleurs une découverte intéressante. Quand sa maman lui raconte cette histoire, mon fils ne rit pas toujours aux mêmes endroits que dans ma version. Nos deux interprétations offrent ainsi un éventail d’intonations. Mais là où j’ai été le plus surpris, c’est de sa capacité à se souvenir des passages du livre. Hugo arrive maintenant à compléter des phrases avant même que je les lise. En voilà une preuve que la magie opère !

Sous son apparente légèreté, Ze vais te manzer aborde également la question du handicap. Le problème d’élocution du loup peut éventuellement se retrouver chez l’enfant, auquel cas il peut s’identifier au personnage. C’est donc un moyen de présenter cette réalité sous un autre angle, par le biais de l’humour. J’ai bien apprécié aussi les valeurs véhiculées par l’album. L’empathie et l’altruisme sont au centre du récit où on apprend que l’on a parfois besoin d’un plus petit que soit pour se sortir de l’embarras. Au final, Ze vais te manger est un bel album pour partager un moment complice avec son garçon (ou sa fille).

Ze vais te manzer
Jean-Marc Derouen & Laure Du Faÿ
Éditions : Frimousse, 2012
ISBN : 9782352411130

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Le journal secret d'Alice Aubry

Last modified: 27 septembre 2017

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