Qu’on ne s’y trompe pas, mon intention n’est pas de vous présenter des livres soporifiques ou qui vous permettraient de vous débarrasser plus vite de vos enfants en les faisant tomber illico presto dans le sommeil (quoique…). Je voulais revenir sur mon expérience d’enfant qui a du mal à s’endormir, celle de mon fils et mon vécu d’enfant, mon vécu à travers lui, ou son expérience qui fait écho à mon vécu ou mon vécu que je ne cherche pas à reproduire, ou ma peur de reproduire une situation… bref, ce moment où quand vient le coucher ça peut s’emmêler un peu, tourner en rond et où l’on arrive plus à lâcher prise. Mais heureusement les livres sont là, quel que soit la situation les livres sont toujours là : pour remplacer le pied d’un canapé comme pour caler des moments de l’existence un peu bancals.
J’ai eu la chance d’avoir un bébé qui nous laissait, son père et moi, faire des grasses matinées, ce dont nous ne nous sommes jamais vantés : parce qu’en réalité il fallait attendre minuit passé, les nerfs à vif, les traits tirés, pour que ce bébé s’endorme. En grandissant la situation s’est régulée, mais avec la nécessité de créer un rituel du soir, un sas de décompression, propice à l’endormissement : veilleuse, lumière tamisée, doudou, musique douce et la lecture. Sans pour autant que les livres soient choisis en fonction de leur capacité d’endormissement ou de leur dose de tranquillisant administré en intraveineuse, nous avions quelques bottes secrètes… Des atouts dans notre jeu à sortir en fonction des situations qui se présentaient, quand nos percevions que ce soir-là ce serait plus difficile…
Le livre doudou : Au lit tout le monde !
Au lit tout le monde ! m’a évité de me perdre en vaines explications, dans une recherche de réconfort vouée à l’échec. En quelques dessins, quelques mots, Audrey Poussier figure toute l’angoisse de ne pas avoir les clés pour s’endormir quand tout le monde autour de soi se prépare naturellement au sommeil. Et pourtant les solutions peuvent être simples : en l’occurrence, ici, avec une bonne scie ! Rien de gore dans cette histoire qui peut être lue aux plus petits d’entre nous : dans l’univers épuré et pastel qui lui est propre, l’auteure figure comment son héros, cette créature rose non identifiée tellement touchante, ne trouve pas son « truc » pour dormir à la différence de ses amis chats, mouton, souris, éléphant… Chacun ramène son doudou, son casse-croute, son oreiller… pour se préparer au repos, et à mesure que les animaux s’installent sous la couette, le visage de notre héros se décompose. La lumière s’éteint : clic ! Et là, explosion, le héros ne tient plus, il a peur. Tout le monde se mobilise, cherche une solution, l’éléphant dégaine une scie dans sa boite à outils doudou, découpe la page et fait entrer la clarté de la lune dans le dessin. La tension s’apaise et tout le monde peut s’assoupir. Quant au parent il peut se retirer de la chambre, réconforté de laisser son enfant en si bonne compagnie.
Au lit tout le monde !
Audrey Poussier
Éditions : L’école des loisirs, collection Loulou et compagnie, 2010
ISBN : 9782211200707
Faire fuir les monstres… Va-t’en, grand monstre vert !
Attaquons-nous donc à ce qui semble souvent le nœud du problème : les monstres. Les livres pour faire fuir les monstres ne manquent pas, voici une version rapide et efficace pour dédramatiser la situation au plus vite Va-t’en, grand monstre vert ! d’Ed Emberley. L’ouvrage est toujours édité alors qu’il n’est pas récent, car il a fait ses preuves. En tournant les pages l’enfant fait apparaître l’objet de ses craintes : l’affreux jojo vert avec ses grandes dents, ses yeux qui font peur, ses cheveux ébouriffés… pour ensuite mieux le déconstruire pas à pas selon le même principe des pages tournées, jusqu’à totale disparition. On referme le livre et paf ! C’est réglé, l’enfant à le pouvoir de faire disparaître ses peurs : dehors le monstre, dehors papa, dehors maman.
Va-t’en, grand monstre vert !
Ed Emberley
Éditions : Kaléidoscope, 1996
ISBN : 9782877671729
Faire passer des messages subliminaux : Au lit, petit monstre
Mais, parfois, ce ne sont pas les problèmes de monstres qui sont les plus coriaces : c’est la soudaine envie de pipi, la gorge sèche qui nécessite de l’eau, vite vite, le dernier bisou, « vous m’avez pas fait de câlin », parent indigne qui part de la chambre sans faire de bisou-câlin, la couette trop chaude, le mal de ventre, le bruit bizarre, et « laissez la porte entre ouverte, non pas comme ça, oui comme ça, non un peu moins… » Argg ! Heureusement, Mario Ramos est là avec Au lit, petit monstre !. Le livre met en scène un papa qui essaie de coucher son enfant représenté comme un petit monstre vert. Un petit monstre fort sympathique, mais exigeant, jouant comme il se doit avec les nerfs de son papa. Ou comment faire comprendre calmement à son enfant que, parfois, ce moment du coucher n’est vraiment pas une sinécure, et que l’on ne passe pas toujours loin de l’attaque d’apoplexie. J’ose croire que mon fils comprend le message, que dans son propre intérêt, il saisit qu’il vaut mieux arrêter là la liste des doléances… À moins qu’il apprécie davantage le clin d’œil de Mario Ramos qui finit par retourner la situation et transformer le papa en gros monstre vert?
Au lit, petit monstre !
Mario Ramos
Éditions : L’école des loisirs, collection Lutin poche, 1998
ISBN : 9782211042536
La solution suédoise : Le Lapin qui veut s’endormir
Et si rien ne marche, il reste les Suédois qui, non seulement, sont capables de faire des lits qui grandissent avec l’enfant, vous fournir les bibliothèques pour accueillir tous les livres précités, mais aussi créer le livre ultime qui pourra endormir votre enfant : Le Lapin qui veut s’endormir du psychologue Carl-Johan Forssén Ehrlin. Comme la commode Finylekkaö dont le montage vous aura absorbé dimanche dernier, ce livre est livré avec un mode d’emploi, dont des indications de modulation de voix, de rythme et même de bâillement pour le lecteur. Le Lapin qui veut s’endormir est l’histoire d’un petit lapin qui va chercher les portes du sommeil dans une écriture qui cherche volontairement à endormir l’enfant. Et cela fonctionne vraiment, l’entreprise pourra paraître un peu laborieuse, l’enfant peut s’assoupir dès les premières pages comme au bout du livre qui est assez long (mais cela reste surement plus rapide que les 50 allers et retours du bisou, pipi, j’ai soif…). À mon avis, cela doit rester l’ultime recours, lorsque l’on sent que la situation se crispe autour de cet endormissement, car il y a quelque chose de très hypnotique dans ce livre qui n’est pas sans me rappeler un certain serpent : « Aie confiance, Crois en moi […] Fais un somme… ». Bon, tant qu’on n’a pas l’intention de dévorer son enfant tout va bien et c’est effectivement comme ça qu’il faut le prendre, avec bienveillance, pour aider l’enfant à lâcher prise en toute confiance. L’idée n’est pas de prendre le contrôle de son sommeil, mais lui donner les moyens de ne pas se laisser envahir par tout ce qui viendrait faire obstacle à celui-ci. Bref, ça marche, ça apaise tout le monde, ça aide, mais ça reste très frustrant de se dire qu’on raconte une histoire en espérant que son auditeur n’en entende pas la fin !
Le lapin qui veut s’endormir
Carl-Johan Forrsén Ehrlin & Irina Maununen
Éditions : Gautier-Languereau, 1995
ISBN : 9782012046931
Et si les symptômes persistent docteur?
Parler, évidemment, faire verbaliser l’enfant, comprendre l’objet des peurs ou de ce qui l’empêche de s’endormir. Mais j’aime bien l’idée qu’en créant ce sas de douceur, d’humour, d’apaisement à travers les livres on peut créer un environnement favorable pour laisser venir le sommeil, créer une habitude qui pourra s’installer durablement et dont le corps se souviendra en grandissant.
Ou alors peut-être que, comme moi, vous finirez par réaliser un jour que vous avez surtout un enfant qui a besoin d’un peu moins de sommeil que la moyenne et une belle opportunité pour pouvoir lui lire tout Mario Ramos et Audrey Poussier…
Et contre les cauchemars?
Cela peut être l’occasion parfaite pour faire vos petites recherches et parler à votre enfant des capteurs de rêves en expliquant les origines autochtones. Vous pourriez même en fabriquer un ensemble avec les branchages et les plumes que vous trouverez dans votre jardin ou durant une promenade.
De quoi rêver jour et nuit…
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