Je manque de mots pour vous présenter ce livre dont je veux vous parler depuis longtemps. Le grand match est un album coup-de-poing qui aborde la revendication par le sport. Chaque fois que je le lis, je suis envahie par les émotions devant tant d’injustice et de courage. Tellement que, lorsque j’en fais la lecture à mes élèves, ma voix change au fil des pages.

Le temps et le lieu où prend place cette histoire ne sont pas clairement définis, mais on peut facilement faire le lien avec l’Allemagne nazie. Le grand match oppose l’équipe du gouvernement, les Aigles frères, à l’équipe nationale. Comme le gouvernement veut démontrer sa suprématie, l’équipe nationale doit perdre, sinon, les joueurs seront exécutés. Comment réagiront-ils face à cette menace qui leur est adressée sans aucune subtilité?

Écoutez l’auteur Frédéric Bernard présenter son album Le grand match

Frédéric Bernard a le ton juste pour nous raconter ces événements. Cet album existe pour être lu à haute voix : plusieurs phrases courtes et sans verbes conjugués pour montrer la rapidité du sport, répétitions et énumérations pour insister sur l’intensité et l’importance des événements. Faites-vous le cadeau d’en faire la lecture à vos élèves du secondaire et ils vous en remercieront ! La narration au « je » rend le tout encore plus vrai.

Le grand matchLes illustrations de Jean-François Martin donnent au texte une grande profondeur. Elles ont un côté vieillot qui ajoute à l’aspect historique du texte. Les couleurs sont sombres et peu variées. Les visages sont peu définis : cette histoire pourrait prendre place n’importe où. Sans blague, même la texture du papier ajoute à l’expérience !

Avec les élèves / les enfants

Je ne pouvais tout simplement pas laisser cet album dormir sur les tablettes de ma classe. Je devais l’exploiter au maximum et pousser mes élèves à en découvrir un peu plus sur ces sportifs de différentes époques qui ont défié l’autorité, qui ont utilisé leur vitrine pour revendiquer. Les auteurs m’ont simplifié la tâche, puisque, à la fin de l’album, on retrouve une liste de sportifs ayant marqués l’histoire par leur résistance. J’ai donc proposé à mes élèves de faire une recherche sur l’un de ces athlètes (j’ai complété la liste avec d’autres noms, dont Cathy Freeman, Colin Kaepernick, Feyisa Lilesa, Billie Jean King… ). Le fruit de leur recherche a été présenté à l’oral au groupe. Ils devaient obligatoirement intégrer une biographie de l’athlète, le contexte historique et le geste posé. Cela m’a permis d’aborder avec eux différentes formes  d’injustice à travers les années et partout dans le monde.

Par la suite, je leur ai demandé de composer un texte narratif qui racontait cet événement. Ils devaient partir des informations trouvées, mais pouvaient aussi utiliser leur imagination pour combler les vides. Nous avons analysé le style de l’auteur en groupe et les jeunes devaient le respecter. Pour finir, ils ont fait la lecture expressive de leur histoire au reste du groupe. J’ai la chance d’avoir de petits groupes d’une dizaine d’élèves, donc je n’ai pas eu besoin de trouver 30 athlètes, mais ce travail peut très bien se faire en équipe au besoin ! Si vos recherches vous mènent à d’autres sportifs influents, dites-le-moi !

+ Voici quelques extraits des textes de mes élèves !

Colin Kaepernick (football), par un élève de secondaire 3 :

« Le soir du match contre les Packers de Green Bay, je n’en peux plus. Dans ma tête, il n’y a que violence, oppression, violence, oppression. Je suis désormais sur le terrain et on interprète l’hymne national. Toute l’équipe se lève. Sauf moi. Tout le monde me regarde. Le stress monte. Je reste un genou au sol pour revendiquer contre les violences policières et l’oppression envers les communautés afro-américaines. »

Matthias Sindelar (soccer), par un élève de secondaire 1 :

« Durant le match, notre gardien a fait beaucoup d’arrêts. La foule est en délire. Elle crie mon nom pour m’encourager. Le ballon vient à mes pieds et je m’échappe en 1 contre 1. Je feinte un tir et le gardien se jette par terre ce qui me laisse un grande ouverture que je prends. Et le but ! Je cours partout sur le terrain en enlevant mon chandail pour montrer mon corps d’athlète au public en me dirigeant vers le banc de l’équipe adverse où siègent Hitler et ses proches conseillers. »

Mohamed Ali (boxe), par un élève de secondaire 1 :

« Je prends un crayon et une feuille de papier, je m’assois et commence à écrire ma lettre : « Bonjour monsieur le Président, je vous écris cette lettre pour vous informer de mon désaccord avec le fait de participer à cette guerre. Aucun Vietnamien ne m’a jamais traité de nègre, jamais ! »

Victor Young Perez (boxe), par un élève de secondaire 3 :

« Je me battais contre Eugène Huat, le Français, pour le titre de champion de France. Pendant le combat, j’avais peur. Peur pour ma race, peur d’être vaincu, peur d’être arrêté, mais j’avais surtout peur d’être tué. »

« Le 2 janvier 1945, les nazis avaient organisé un combat et j’étais obligé d’y participer. Moi, le champion du camp de concentration, Victor Young Perez, étais obligé de me battre contre un poids lourd allemand. Pendant le combat, l’Allemand m’avait enfilé plusieurs coups, mais je réussissais à tenir debout. Pendant trois rounds, le combat était très serré. Après cinq rounds de combat intense, les gardiens avaient arrêté le combat juste avant que je ne remporte la victoire. »

Le grand match
Frédéric Bernard & Jean-François Martin
Éditions : Albin Michel jeunesse, 2015
ISBN : 9782226318534
10 à 100 ans !

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Last modified: 21 juin 2017

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