Le médium, c’est le message, a dit l’un. On est ce que l’on mange, a dit l’autre. Vous demandez-vous où je veux en venir avec ces petites phrases tant de fois entendues? Pas bien loin. Juste au bout de mes bras, ceux qui tiennent les livres que je lis à l’heure du conte tous les samedis. Lorsque je regarde derrière moi, il y a plus de cinquante années de rencontres littéraires. Du meilleur au pire. Du léger au compliqué. Des lectures qui ont eu leur rôle à jouer dans celle que je suis et que je continue à devenir année après année.

Devient-on ce qu’on lit?

Si je me suis posé la question : « Devient-on ce que l’on lit? », c’est parce que j’ai attrapé une toute petite remarque qui se formulait inconsciemment dans ma tête. Curieux ou curieuse de la connaître?

« Je devrais ajouter un ou deux livres de camions, les gars aiment ça. » BEEEEEP ! Dans ma tête une alarme, s’est déclenchée. « Hey, la matante ! Deke céke cette pensée genrée? », me suis-je auto critiquée. Mon père a dû se r’virer dans sa tombe lui qui, dans les années soixante, achetait des jeux de Mecano à ses filles, les amenait dans le bois et à la pêche.

J’ai eu la chance de grandir auprès de parents qui ouvraient leurs horizons dans le sillage de la Révolution tranquille. On nous laissait choisir nos activités sans y accoler une étiquette genrée. Autrement dit, si j’avais envie de jouer dans la boue ou de construire une cabane, mes parents ne me disaient pas que c’était là une activité indigne d’une fille.

Cette pensée « honteuse » serait donc l’écho involontaire de toutes les remarques que j’ai entendues durant ma jeunesse, lorsque certains adultes critiquaient mes choix de lecture. Vers l’âge de 10-11 ans, comme je préférais les romans d’aventures aux histoires d’amour, la « madame-de-la-bibliothèque » m’avait traité de garçon manqué. J’ai tenu tête et suis repartie avec ma pile à lire.

LIRE, C’EST COMME S’ALIMENTER

La princesse dans un sac Robert munsch - Devient-on ce qu'on lit?Lorsque l’on choisit un livre en fonction du genre bleu ou rose, on pourrait passer à côté de celui qui donnera le goût de la lecture à vie. Durant l’heure du conte, à chaque fois que je lis des livres sur les camions, garçons et filles de un à trois ans sont hyper attentifs. Ils sont fascinés par toutes les sortes de camions, leurs fonctionnalités, leurs capacités. Il n’y a pas de meilleur sujet pour reconquérir leur attention. Lire un livre sur les camions, c’est entrer dans le monde intrigant des moteurs, des engrenages, de la puissance… l’univers du génie mécanique. D’un autre côté, quand je lis une histoire de petit chien qui se fait un gros bobo, qui pleure en demandant un câlin, toutes et tous voudront lui donner le plus gros bisou du monde. Garçons et filles s’ouvrent à l’empathie et à ce que l’on nomme traditionnellement : l’instinct maternel.

Voilà pourquoi je privilégie la lecture d’albums non genrés de façon à ouvrir les horizons des enfants. Je me réfère davantage à leur groupe d’âge et je privilégie l’approche par sujet (aventure, nature, entraide… ). La lecture, c’est comme l’alimentation : la variété dans l’assiette contribue à une meilleure santé physique et psychologique.

En présentant des modèles et des sujets diversifiés à nos jeunes futurs lecteurs, nous leur permettons de développer leur sens critique, s’ouvrir aux autres, respecter la « différence », et accéder à un monde de possibilités professionnelles et personnelles.

Quand la fixation s’installe

La princesse cowboy - Devient-on ce que l’on lit?C’est arrivé dans ma petite famille, un de mes enfants a eu une fixation sur un superhéros, une autre sur les princesses vraiment princesses. Du genré ad nauseam ! J’ai persévéré à proposer une diversité de livres plus ou moins en lien avec leur intérêt du moment. Donnerait-on du dessert comme unique repas? Non. Devons-nous cependant brûler toutes les histoires présentant des modèles dépassés? Non plus. À la fin de la lecture, on a le droit de donner notre opinion personnelle, de questionner l’enfant sur ce qu’il en a compris et d’en discuter. On peut ainsi développer son sens critique, lui proposer d’autres modèles et d’autres façons de raconter le monde.

En partant d’une histoire stéréotypée de princesse ou de superhéros, on peut faire un réseau littéraire qui guidera notre enfant là où on souhaite qu’il aille butiner. Tant qu’il ne sait pas lire, on a un certain contrôle, non?

De retour aux camions

Pour revenir aux histoires de camions, voici un album que les 18-36 mois ont beaucoup aimé. Une histoire mélangeant la fiction, le documentaire, l’humour et la cuisine. Ça vous aidera si vous n’en pouvez plus de ne regarder que des livres de camions.

Le camion méli-mélo Stephen Savage Devient-on ce que l’on lit?Le camion méli-mélo de Stephen Savage met en scène un petit camion mélangeur vaillant mais bien étourdi, qui fabriquera un gâteau à la place d’un immeuble ! Les enfants ont bien ri de cette enfilade d’erreurs, surtout quand elles étaient ponctuées à chaque fois d’un « Ho Nooooon ! », faussement découragé de ma part.

Tout, dans ce sympathique album aux couleurs vives contribue au bonheur des petits et des grands. Votre enfant ne jure plus que par les héros du film Cars et vous aimeriez les intéresser à autre chose? Les camions « humanisés » par de grands yeux, un sourire ou une baboune, pourraient vous y aider. J’aime aussi qu’entre les lignes se glissent certains messages, soit l’utilité de savoir lire et l’apprentissage par l’erreur. Sans colère, ni danse du bacon.

On a continué l’heure du conte avec une histoire de gâteau (tiens, tiens une tentative de lien), une autre de princesse et de dragons, celle d’un Loup et aussi d’un p’tit lapin plein d’poils. Le tout s’est terminé dans un cacophonique concert de pin-pon qui a suivi la lecture du documentaire Les véhicules d’urgence, publié chez Auzou. On ne s’en sort pas avec ce groupe d’âge. Fascinant

Que suis-je devenue…

Des camions ad nauseam - Mon enfant deviendra-t-il ce qu'il lit?Suis-je devenue ce que j’ai lu? Hum. C’est comme répondre à « Qui vient avant? L’oeuf ou la poule? ». Ma personnalité a-t-elle guidé mes choix de lectures ou mes lectures ont-elles fait de moi qui je suis? Je ne suis pas devenue scout, ni défective, ni exploratrice. Comme je n’ai jamais trouvé une réponse formelle à cette question livresque, je me suis toujours dit que j’étais la somme de toutes ces parties. La diversité a bien meilleur goût, pour moi. Avec ses bons et ses mauvais côtés.

Mais on a parfois des faiblesses… Malgré mes demandes répétées, mon père n’a jamais voulu m’acheter une Barbie, jugeant le modèle trop à l’image de l’impérialisme américain – je suis une enfant des années 1960 ! Ça m’avait tellement frustrée que je n‘ai pas voulu priver ma fille qui en a reçu une, puis deux, puis trois, puis des livres, puis des accessoires jusqu’à ce que je dise stop, moi aussi. Y’a toujours bien une limite !

Pour de super documentaires sur les camions en tout genre :

Mon premier doc - Les véhicules d'urgence (camions) Devient-on ce que l’on lit?La collection Mon premier doc chez Auzou met en scène des véhicules bien de chez nous. Pour les petits qui ne savent pas encore lire, ces premiers documentaires sont parfaits : 24 machines en action (une par page) chacune accompagnée d’une courte description. Voir à ce sujet le billet de ma collègue Monique : Mon premier doc : une collection québécoise chez les Éditions Auzou.

P.-S. Sur le site Kaleidoscope (YWCA) JUSTE ICI, vous trouverez de nombreuses suggestions de lectures non sexistes ou non genrées. Ma collègue Tania en a déjà parlé dans un billet ICI.

LISEZ ÉGALEMENT NOTRE BILLET : 2 livres anti-stéréotypes sexistes

Pour vous procurer mes suggestions de lectures non sexistes ou non genrées, cliquez ici :

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Last modified: 29 mai 2018

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